Que vous soyez sportif ou non, vous avez sans doute déjà entendu parler de l’état de flow. Les athlètes cherchent à atteindre cet “état de grâce” où la performance et la fluidité sont à leur optimum ; les acteurs et comédiens le ressentent également lorsqu’ils font véritablement “un” avec leur personnage ; un avocat en plaidoirie ou un conférencier “conférenciant” en témoigneront également lorsque leurs discours auront le ton juste, au bon rythme, communiquant les émotions véritables au moment exact.  Bref, cet état de “flow”, c’est un état de fluidité – qui se traduirait d’ailleurs plus précisément par le terme “free flow”, où le courant (flow) passe facilement, avec justesse et précision. Je vous propose aujourd’hui d’aller plus loin dans la compréhension de cet état souvent présenté comme le “graal”, l’objectif ultime de la performance.

Les états de flow en une phrase d’après La méthode Target – La bible de la préparation mentale : des “états non euphoriques, de réussite majeure, de concentration en prise directe avec le réel, faciles et économiques, où chaque action est pertinente, la prise de risque optimale et où les erreurs sont autocorrigées. La confiance perçue et tous les éléments de potentiels de ressources sont alors optimisés et “tendent” vers la réussite”

Sommaire

D’où vient la notion de “Flow” ?

Le professeur et chercheur en psychologie américain Mihaly Csikszentmihalyi est l’un des premiers à avoir étudié le Flow, qu’il nomme aussi “l’expérience optimale” (voir son ouvrage “Flow : Psychology of Optimal Experience”, traduit en français par “Vivre : la psychologie du bonheur”).

Csikszentmihalyi décrit cette expérience optimale comme une expérience “holistique”, c’est à dire globale (physique, émotionnelle, mentale…), qu’il lie à la recherche du bonheur. Mais alors, comment vivre cette expérience optimale ?

La clé d’accès à cet état de flow est résumée par Csikszentmihalyi par ce qu’il appelle la “dynamique exigences-habiletés”.

Ainsi, si l’on place sur l’axe horizontal d’un graphique les capacités d’un individu, et sur l’axe vertical l’exigence de la tâche demandée, l’expérience optimale se trouverait dans un “corridor” diagonal central, entourée par l’anxiété (au-dessus, lorsque l’exigence de la tâche est par trop supérieure aux capacité) et l’ennui (en dessous, lorsque les capacités sont sous-exploitées).

“C’est un état qui présente presque toujours les mêmes caractéristiques. Dans la grande majorité des cas, le flow se produit lorsqu’une activité est dirigée vers un but et gouvernée par des règles, une activité qui présente une certaine difficulté (un défi), qui exige l’investissement psychique et qui ne peut être réalisée sans les aptitudes requises” – Csikszentmihalyi

L’état de flow n’est pas spécifique au sport. S’il y trouve son expression naturelle par les caractéristiques même de la pratique sportive – enjeu de performance, aptitudes physiques, compétences technique, gestion du mental et des émotions… il est présent dans nos expériences et activités du quotidien : vie professionnelle – travail sur un dossier technique, prise de parole en public…, loisirs (musique, lecture…) ou encore les moments simples de notre vie personnelle (un moment de jeu avec ses enfants, un débat entre amis, une randonnée en famille…). Le psychologue américain Daniel Goleman parle alors de “microfluidité que tout le monde, ou presque, connaît de temps à autre, quand on donne le meilleur de soi et que l’on va au-delà de ses limites actuelles” (voir L’intelligence Emotionnelle, Tome 1).

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Les deux niveaux de “flow”, la “fluidité/bien-être” et la “fluidité/performance”

Christian Target et Ingrid Petitjean – fondateurs de la méthode Target – précisent le concept de flow – particulièrement dans son application au sport, et distinguent deux états distincts : la fluidité/bien-être et la fluidité/performance.

Pour ces deux préparateurs mentaux de renom, la “fluidité/bien-être” et la “fluidité/performance” font toutes deux partie du “corridor” de Csikszentmihalyi, que l’on appellera la “zone de fluidité”. Ils correspondent ainsi tous deux à une “adéquation entre les exigences de la situation et le potentiel de ressource mis en œuvre à ce moment par l’athlète”. Ce qui les distingue est le “niveau d’enjeu, c’est à dire le niveau sur l’axe vertical du graphique présenté ci-dessus – le sport a fortiori en compétition étant le terrain naturel de la fluidité/performance, tandis que la fluidité/bien-être s’exprime elle plus largement dans tous les domaines de la vie. Ces deux états ont donc de nombreuses similitudes matinées de quelques différences.

Les caractéristiques de la fluidité/bien-être et de la fluidité/performance

Ils s’expriment tout d’abord dans le cadre d’une situation de défi choisie, qu’elle ait un niveau d’enjeu fort (fluidité/performance) ou qu’elle corresponde plutôt à un moment de bien-être (fluidité/bien-être).

Ils se traduisent ensuite par une concentration sur l’action – sensation de “contrôle total, de performance et d’efficacité maximale” menant à des actions “anticipées et ajustées” (fluidité/performance), ou sensation de “maîtrise de soi et de l’environnement, de perfection perçue pendant l’action” (fluidité/bien-être). Cette concentration sur l’action est synonyme de focalisation et d’immersion totale sur “l’action immédiate à venir” accompagnée d’une impression de “temps suspendu” (fluidité/performance), ou de sensations très proches dans le cas de la fluidité/bien-être : “immersion quasi-totale”, “temps suspendu ou ralenti”.

Par ailleurs, lorsque l’état de fluidité est présent, la concentration et la focalisation sur l’action supprime les questions et questionnement à propos de la confiance et de la motivation. Les buts et les objectifs sont clairs, ils apparaissent et sont ressentis comme réalisables. Toute l’énergie est mise dans l’action, en toute confiance.

Les émotions décrites par les athlètes ayant vécus ces états de fluidités sont – dans le cas de la fluidité/performance – des “émotions de pur plaisir, de jouissance”, accompagnés d’une “absence totale d’anxiété”, tandis qu’ils relèvent davantage de la “sérénité, du bien-être, du plaisir et du bonheur” lorsqu’il s’agit de fluidité/bien-être.

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Ces mêmes athlètes décrivent une “impression de facilité, malgré l’effort maximal ; une impression d’économie” lorsqu’ils analysent leur niveau d’énergie dans ces moments de fluidité/performance, tandis que la fluidité/bien-être est davantage synonyme de “maîtrise et facilité”.

Il est intéressant de noter, comme l’observe le psychologue Daniel Goleman, qu’en état de flow “ les choses les plus difficiles sont faciles. Les performances exceptionnelles sont tout à fait naturelles. A l’intérieur même du cerveau on observe un paradoxe similaire, les tâches les plus compliquées sont accomplies avec une dépense d’énergie minimale.”

Enfin, l’estime de soi est comme absente, ou plutôt hors focale dans ces moments. La fluidité/performance amène en effet “la perte de conscience de soi, une absence de préoccupation de soi ou de son ego”, une perte de la conscience de soi également présente dans la fluidité/bien-être, bien que des moments de lucidité soient possibles.

Les différences entre fluidité/bien-être et fluidité/performance

Vous conviendrez que ces deux états de “flow” sont très proches. Ils se distinguent cependant principalement par deux éléments, au-delà du niveau d’enjeu de la situation :

  • Dans la fluidité/performance, la prise de risque est plus importante. En effet, on se trouve alors à la limite de ce que l’on se sait ou le sent capable de réaliser en termes d’actions ou de comportement. Il y a alors risque d’erreur si l’on en fait trop, ou de sous-performance, si l’on est trop précautionneux
  • Le type de plaisir diffère. Comme détaillé ci-dessus, dans la fluidité/bien-être, on ressent de la sérénité, de la quiétude, de la détente… tandis que la fluidité/performance est davantage le lieu du “pur plaisir”, de la vigueur et la rapidité, de la conquête – des émotions également en lien avec l’énergie et la motivation.

Etat de flow, aptitudes techniques et euphorie

Il est important de préciser que si l’état de flow permet d’être à son niveau d’efficacité maximal, avec facilité et fluidité, il ne permet pas de dépasser ce même niveau maximal. Il est donc nécessaire d’avoir au préalable appris ces compétences et développé ces aptitudes. “Sentir” les manœuvres à effectuer lorsque l’on est skipper, ou esquiver en ayant la sensation de prévoir les coups lorsque l’on est boxeur nécessite d’avoir imprimé dans le corps et l’esprit les gestes, les mouvements, les enchaînements à réaliserC’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : pour accéder à cet état de fluidité, il n’y a pas de recette miracle, il faut s’entraîner ! En revanche, chacun peut y accéder, quel que soit son niveau de compétences, lorsque le niveau d’enjeu est adapté.

Enfin, l’état de flow n’est pas l’euphorie. Celle-ci se traduit – lors d’un effort intense, d’excitation, de douleur ou d’orgasme – par la production d’endomorphines, hormones aux effets proches des opiacés qui produisent un effet analgésiant et des sensations de bien-être. A l’opposé de l’état de flow qui entraîne un contrôle de soi et une focalisation totale sur l’action, l’état d’euphorie modifie les sensations et déconnecte de la réalité.

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Alors, comment atteindre l’état de flow ?

Christian Target explique que paradoxalement, “le fait de se poser une question sur une des caractéristiques [du flow] durant l’état de fluidité est le plus sûr moyen d’en sortir immédiatement”.

Il s’agit donc davantage de créer les conditions de cet état, plutôt que de chercher à l’atteindre à tout prix.

Comment ? Les stratégies et outils sont multiples et doivent être adaptés à chacun. Ils feront d’ailleurs l’objet de plusieurs articles et vidéos sur ce blog. Mais voici d’ores et déjà quelques pistes :

  1. S’entraîner, s’entraîner, s’entraîner. Christian Target et Ingrid Petijean relatent que de nombreux athlètes disent s’être sentis “comme à l’entraînement” lorsqu’ils ont vécu un moment de flow. C’est dans l’entraînement et par l’entraînement que les aptitudes se développent et que les automatismes s’installent, dans un contexte favorable (niveau de stress limité et gestion des émotions plus aisée, entraînement spécifique en fonction des compétences que l’on souhaite développer…) – dans cette étape également, la préparation mentale a un rôle à jouer pour accélérer et ancrer les apprentissages, nous y reviendrons.
  2. Prendre le temps de noter ses sensations, ses pensées, ses émotions après avoir vécu un état de flow. En effet, si certains points sont communs à la plupart des expériences de flow – voire les éléments présentés ci-dessus – la manière dont elles se traduisent diffère pour chacun de nous. La légèreté sera ressentie pour l’un au niveau des jambes, tandis qu’elle se manifestera pour l’autre par une sensation d’expansion au niveau de la cage thoracique. L’énergie et la vigueur seront synonymes pour certains de sensations “électriques” au niveau des pieds ou des cuisses, tandis que pour d’autres cela sera plutôt des sensations au niveau de la tête, du regard vif, ou des battements du cœur. Il est alors très intéressant de chercher ce que représente pour vous l’état de flow, en vous replongeant dans un moment où vous avez ressenti cette fluidité – utilisez pour cela « l’imagerie mentale », en faisant de votre cerveau un cinéma à 4 dimensions, où vous rejouez à la première personne les expériences choisies et ajustez les détails du film que vous vous projetez pour en ressentir à nouveau toutes les sensations. Vous pouvez pour cela tester la technique présentée ici.
  3. Enfin, réaliser un travail de préparation mentale spécifique pour faciliter l’accès à cet état de flow. La programmation neuro linguistique et l’hypnose sont à ce titre des outils particulièrement adaptés, en ce qu’ils vous aident à “programmer” et “orienter” votre mental dans la bonne direction – Pour plus d’efficacité, cette préparation mentale sera réalisée sur le terrain, nous en reparlerons !

C’est à présent à vous de jouer : prenez le temps de vous remémorer un moment où vous avez ressenti cette fluidité, et décrivez le contexte, ce que vous voyez, ce que vous entendez, ce que vous faites… et ce que vous ressentez dans votre corps à ce moment !

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