Nous avons vu dans un précédent article le concept d’imagerie motrice, son champ d’application et ses mécanismes. Aujourd’hui, je vous propose d’apprendre à évaluer votre capacité d’imagerie motrice

Pour rappel, dans le cadre du sport, une image motrice est tout simplement une représentation mentale que l’on se constitue d’une situation, d’un mouvement, d’un geste ou d’un enchaînement. Pour construire une image motrice, on fait appel à l’ensemble de ses sens : vue, toucher, audition, sensations, goût, odorat…

Sommaire

Qu’est-ce que c’est une bonne image motrice ?

Pour créer une bonne image motrice, il faut quatre ingrédients :

  • La vivacité
  • L’exactitude
  • Le contrôle
  • La temporalité

La vivacité

La vivacité est le critère le plus important. Elle représente la précision de l’image motrice (texture, couleurs, etc..). Si l’on se focalise par exemple sur “l’image kinesthésique” d’un mouvement (c’est à dire qu’on cherche à “imaginer” les sensations liées à ce mouvement si on le réalisait), la vivacité correspondra à la précision des sensations que l’on imagine ressentir. De la même manière, la vivacité de l’image motrice “visuelle” correspondra à la précision de la représentation mentale : l’image est-elle nette, parvenez-vous à “dessiner” mentalement de manière précise votre corps, vos muscles, vos mouvements ? 

L’exactitude

L’exactitude correspond à la fidélité de l’image. Il est en effet important de construire une image mentale fidèle à la réalité. C’est particulièrement vrai lorsque l’on utilise l’imagerie motrice pour développer la performance. Prenons un exemple : vous souhaitez améliorer votre technique de coup de pied sauté grâce à l’imagerie motrice. Imaginer faire un bond de 2 mètres et rester dans les airs 10 secondes sera totalement inefficace, voire contre productif si vous cherchez à améliorer vos performances. Le mouvement imaginé doit être réaliste, et correspondre à vos capacités. Une bonne image mentale est donc fidèle à la réalité.

Le contrôle

Le contrôle désigne votre capacité à agir sur l’image mentale pour la modifier. Ce contrôle permet par exemple de changer les couleurs de l’image, de modifier la luminosité ou la netteté

La temporalité

Enfin, la temporalité indique la durée de l’action imaginée. Ce paramètre est particulièrement important lorsqu’on utilise l’imagerie mentale pour développer ses compétences techniques et rechercher la performance. En effet, si vous utilisez l’imagerie motrice pour perfectionner un geste, apprendre un enchaînement ou corriger un réflexe, il est important que la temporalité du mouvement imaginé corresponde à celle du mouvement réel, car votre cerveau “apprend” réellement lorsque vous imaginez. Construire une “bonne” image mentale est donc crucial afin d’utiliser l’imagerie motrice pour simuler vos mouvements, corriger les erreurs et améliorer votre posture et les mouvements que vous allez réaliser physiquement. 

Comment évaluer votre capacité d’imagerie motrice ?

Regardons à présent les différents tests possibles pour évaluer et développer votre capacité d’imagerie motrice – ainsi que les avantages et inconvénients de chacun. Au programme :

  • Les entretiens (verbalisation)
  • Les questionnaires
  • Les épreuves objectives
  • Les indicateurs physiologiques
  • La chronométrie
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Les entretiens

L’objectif des entretiens (avec un coach, un partenaire ou simplement en s’auto évaluant) est de verbaliser ou de dessiner le contenu de l’image motrice. A partir de ces dessins ou de la description de l’image, on peut évaluer les écarts avec la posture ou le mouvement réels. De nombreux entraîneurs utilisent cette méthode car (comme expliqué au-dessus) la correction de la représentation mentale de l’action permet d’améliorer ces mouvements dans la réalité. Cette méthode est particulièrement utile pour évaluer la vivacité et le contrôle de l’image motrice.

L’avantage que présente ce test est sa rapidité et sa subjectivité. En revanche, cette dimension subjective introduit nécessairement un biais dans le résultat. De plus, il faut réussir à dessiner correctement et savoir expliquer une action, ce qui peut parfois être complexe

Conseil : vous pouvez réaliser ce travail en autonomie. Prenez le temps de décrire ou dessiner un mouvement ou un enchaînement que vous imaginez réaliser. Puis comparez-le au mouvement réel que vous exécutez, voire à une vidéo de vous ou même d’un sportif que vous voulez modéliser. Ajustez votre image mentale, décrivez-la ou dessinez-la à nouveau, et recommencez le processus jusqu’à ce que vous soyez satisfait du résultat ! 

Les questionnaires 

Des questionnaires standards ont été élaborés par des scientifiques – ils peuvent ensuite être adaptés à chaque type d’activité. Par exemple, voici un questionnaire sur l’imagerie auditive. (https://www.cairn.info/loadimg.php?FILE=BUPSY/BUPSY_479/BUPSY_479_0549/BUPSY_idPAS_D_ISBN_pu2005-05s_sa06_art06_img012.jpg). Ils décrivent des situations précises. Le sportif est invité à répondre aux questions posées à propos de son ou ses images motrices, afin d’évaluer particulièrement les dimensions “contrôle” et “vivacité” (bien que les 4 dimensions d’une bonne image motrice soient explorées) 

Comme pour les entretiens, la limite des questionnaires demeure leur dimension subjective. Certains biais peuvent fausser les résultats en cas de surestimation ou de sous-estimation. Il existe en effet une tendance à l’acquiescement – le sujet répond “oui” par simplicité ou parce qu’il possède une mauvaise idée de sa représentation mentale. Un autre biais peut être l’illusion de réussite alors que l’image motrice est erronée. A l’inverse, par humilité, le sportif peut juger que sa représentation mentale n’est pas bonne alors qu’il la réalise correctement. 

Les avantages des questionnaires sont la simplicité et la rapidité de l’évaluation

Les épreuves objectives

On retrouve de nombreux tests dans les épreuves dites “objectives”. Le but est de calculer le temps et l’exactitude de la réponse à des petits exercices nécessitant l’utilisation de l’imagerie mentale. 

Il s’agit de tâches diverses comme des tests spatiaux. Par exemple, on affiche deux images : une forme, ainsi que plusieurs possibilités de patron “déplié” pour cette forme. Il faut par le biais de la représentation mentale, trouver quel est le patron de la forme en 3D

Comment évaluer sa capacité d’imagerie motrice ?

(Exemple de patron à trouver)

Cela nécessite de contrôler son image mentale pour :

  • Déplier le solide pour trouver son patron
  • Plier les deux patrons pour obtenir le solide

D’autres exercices existent comme le test des rotations mentales. On présente dans ce cas deux formes selon deux angles de vue. Le sujet doit évaluer si les figures sont identiques ou en miroirs. Dans cet exercice également, il est nécessaire de contrôler son image

(Exemple de formes qui sont identiques ou en miroirs)

Les avantages de cette méthode sont la simplicité à réaliser et à corriger son image mentale. L’inconvénient principal de ce type de tests réside dans le fait qu’ils évaluent uniquement la variable “contrôle” de l’image mentale. Utilisés régulièrement, ils représentent en revanche un moyen simple et efficace de développer sa capacité à contrôler ses images mentales.

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Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez trouver des exemples de tests sur ce site internet : https://neuropedagogie.com/images-mentales/exercices-imagerie-mentale-1.html

Les indicateurs physiologiques

Ces indicateurs permettent d’évaluer l’imagerie motrice d’une personne grâce à des mesures physiologiques. Ce sont des techniques qui rendent possible la mesure exacte des aires du cerveau utilisées et de vérifier l’activité neuronale précise lors de la pratique de l’imagerie (exemple : Irm fonctionnelle). On distingue les indicateurs centraux (ceux qui repèrent l’activité du système nerveux central) et les indicateurs périphériques (ceux qui localisent l’activité du système nerveux périphérique). 

L’étude de Hanakawa et al (2008) a démontré que l’imagerie motrice emploie les mêmes aires que lors du mouvement. Ces résultats proviennent de l’enregistrement et l’analyse des indicateurs centraux.

Les indicateurs périphériques sont également utilisés. Les chercheurs ont réussi à démontrer grâce à ces indicateurs que lorsqu’il recourt à l’imagerie motrice, l’individu gagne en stabilité dans la réalisation du mouvement (Grangeon et al, 2011). L’image matérialise un mouvement plus fluide et moins hésitant – plus stable. . De plus, chez les haltérophiles, on observe une baisse importante du rythme cardiaque (Bradycardie) lors de la phase de concentration – étape où l’athlète se recentre sur lui et sur le mouvement qu’il doit effectuer – ce qui témoigne de la focalisation sur la difficulté à venir. La bradycardie montre la concentration du sportif lorsqu’il effectue ses mouvements mentalement en préparation de l’exercice. Cette conclusion se retrouve aussi chez les tireurs où la phase de concentration retrace les mouvements à effectuer. On remarque le même schéma entre l’attention portée sur l’image mentale et celle portée sur le le mouvement réalisé.

Les indicateurs physiologiques apprécient les critères de vivacité, de contrôle et d’exactitude. Contrairement aux tests précédents, ces indicateurs sont objectifs et permettent d’évaluer toutes les dimensions. Néanmoins, ils sont difficiles d’accès – il faut disposer du matériel adéquat – et requièrent des compétences spécifiques pour les interpréter. Ces techniques sont donc difficiles à utiliser par le pratiquant “loisirs” !

La chronométrie

La chronométrie mentale a pour but de mesurer la temporalité d’une image motrice. Elle étudie la vitesse du traitement de l’information. L’objectif de cette méthode est de comparer la durée du mouvement lors de l’imagerie motrice et la durée réelle. Comme précisé en début d’article, une temporalité mal maîtrisée peut engendrer des dysfonctionnements si vous utilisez l’imagerie motrice pour la performance. Cette dimension de temporalité provient notamment d’une étude de Kosslyn et al (1978). Les chercheurs présentèrent à des sujets une carte d’une île marquée de 7 points importants à des distances différentes. Les sujets devaient relier ces points en effectuant le chemin mentalement. L’étude essayait de montrer la concordance des durées mentales et réelles. L’étude prouva que la temporalité dans l’image motrice est conservée car les individus modulaient le temps de parcours pour chaque chemin. Il y a donc une conservation des propriétés spatio-temporelles au cours de l’imagerie. 

Comment évaluer sa capacité d’imagerie motrice ?

(Schéma de l’île de Kosslyn et al 1978 avec les résultats de l’expérience)

Pour évaluer la temporalité d’une image motrice, il existe des moyens simples à mettre en place. Il vous suffit de posséder un chronomètre. L’idée est de mesurer le temps de l’image mentale et de le comparer à la durée réelle du mouvement. Si les durées ne sont pas identiques, il vous suffit de mesurer chaque mouvement séparément afin d’identifier les gestes réalisés dans un mauvais timing. La seconde méthode consiste à utiliser des retours visuels (vidéo) ou auditifs (métronome, musique). Pour cela, il suffit juste d’effectuer le mouvement avec le type de retour choisi. Une fois cette étape réalisée, l’image mentale doit être exactement superposé à votre retour. Par exemple, vous faites une roue en gymnastique. Lorsque vous l’exécutez, vous mémorisez la position de vos gestes par rapport à la tonalité du métronome. En image motrice, vous devez effectuer les mêmes gestes aux mêmes tonalités. Vous pouvez ainsi déterminer si vous allez trop vite ou trop lentement dans votre image mentale. 

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La chronométrie mentale possède comme avantage d’être objective et facile d’accès. Il est possible de la mesurer avec peu de matériel. C’est le seul test qui mesure la temporalité d’une image motrice. Elle constitue un critère important, car comme nous le verrons dans un prochain article, le changement de temporalité d’une image motrice n’est pas sans conséquences – positive ou négative.

Quels tests utiliser pour l’évaluation de l’imagerie motrice ?

Dans la mesure du possible, je vous conseille de recourir à plusieurs tests : chacun d’eux possède des avantages et des inconvénients, ce qui les rend complémentaires

Vous pourrez ainsi évaluer correctement vos image motrice afin de les ajuster, les corriger et les perfectionner pour tirer un profit maximum de cette méthode. 

Une fois les outils bien maîtrisés, il est possible d’optimiser leur utilisation afin d’obtenir un programme personnalisé et complet.

Enfin, je vous conseille fortement d’utiliser la vidéo comme dispositif de feedback. Il est en effet possible et même recommandé de coupler l’image motrice avec la vidéo pour faciliter la compréhension des erreurs effectuées. Une fois le mouvement réel filmé, cela permet de débriefer et d’analyser les erreurs de posture, afin de corriger et d’améliorer ses mouvements grâce à l’imagerie motrice. On peut alors travailler par aller-retour successifs entre imagerie motrice, réalisation des mouvements et analyse vidéo des mouvements réalisés. Un dernier exercice consiste à imaginer un mouvement puis de comparer la position finale à la position retranscrite sur une image ou une vidéo – de soi ou de quelqu’un d’autres. Ici également, ce travail permet de corriger les images mentales en les confrontant à une image réelle.

Ce qu’il faut retenir sur l’évaluation de l’imagerie motrice :

  • Les facteurs clés à évaluer sont : la vivacité, le contrôle, l’exactitude et la temporalité.
  • Les évaluations possibles se présentent sous différentes formes : entretiens, questionnaires, chronométrie et analyses des indicateurs physiologiques.
  • Chaque évaluation comporte des avantages et des inconvénients. Ils permettent de mesurer différents facteurs de manière plus ou moins précise.
  • La meilleure méthode consiste à combiner les différents tests existants. 
  • La vidéo est un outil très utile pour corriger et améliorer les images motrices.

SOURCES :

  • Formation “Neurosciences pour l’accompagnement”, Arche, module “imagerie Motrice” présentée par Aymeric Guillot (Docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives et professeur des université)
  • Grangeon, M., Guillot, A. & Collet, C. Appl Psychophysiol Biofeedback (2011) 36: 47. https://doi.org/10.1007/s10484-011-9145-2
  • Hanakawa, T., Dimyan, M.A., & Hallett, M. (2008). Motor planning, imagery, and execution in the distributed motor network: a time-course study with functional MRI. Cerebral Cortex, 18, 2775–2788.
  • Kosslyn, S. M., Ball, T. M., & Reiser, B. J. (1978). Visual images preserve metric spatial information: Evidence from studies of image scanning.Journal of Experimental Psychology: Human Perception & Performance,4, 47–60.
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