Que vous soyez sportif occasionnel ou de haut niveau, l’imagerie mentale et motrice peut être un facteur clé de la performance (pour en savoir plus, cliquez ici). Pour être efficace, l’imagerie motrice est elle-même dépendante d’une variable clé : la chronométrie. Nous vous proposons de découvrir dans cet article ce qui se cache derrière ce terme barbare, et comment la mettre à profit afin de construire une image mentale pertinente.

Sommaire

La chronométrie, qu’est-ce que c’est ?

Vous vous en doutez, la chronométrie concerne la temporalité de nos actions – réelles et imaginées. La chronométrie mentale renvoie ainsi à la durée des étapes de traitement de l’information dans le système nerveux. Ces étapes sont représentées par le schéma ci-dessous :

Comprendre la chronométrie pour construire une image mentale pertinente

 (Schéma du traitement de l’information du système nerveux central d’après la Formation “Neurosciences pour l’accompagnement”, Arche, module sur l’imagerie motrice présenté par Aymeric Guillot)

* SNC = Système Nerveux Central

La chronométrie mesure :

  • le temps de réaction.
  • la durée totale du mouvement.

Pourquoi la chronométrie est-elle clé ? 

La chronométrie est essentielle dans la recherche de performance, dans l’apprentissage de techniques ou d’une gestuelle particulière. Dans la recherche de performance ou l’apprentissage d’un geste technique, l’imagerie motrice complète et améliore l’efficacité du travail physique « classique ». Néanmoins, il est important de conserver une image motrice fidèle à la réalité pour bénéficier de ses effets. Par exemple, pour améliorer sa technique lors d’un soulevé de terre, l’image motrice doit présenter exactement les mêmes caractéristiques que lorsque l’athlète effectue le mouvement.

En revanche, dans les autres domaines d’application de l’imagerie motrice (confiance en soi, réduction de l’anxiété ou le bien être), la chronométrie mentale est une variable secondaire. En effet, l’important est alors la recherche d’un état émotionnel (sérénité, confiance, dynamisme) et non pas la précision d’un geste technique.

Cette notion a été découverte par les chercheurs Kosslyn et al en 1978 à travers l’expérience présentée dans notre article dédié à l’évaluation de la capacité d’imagerie motrice.

La conservation des caractéristiques spatio-temporelles d’une image motrice

Comme évoqué plus haut une image motrice pertinente est une image exacte, suffisamment précise et avec une temporalité respectée c’est-à-dire qu’elle reflète la durée réelle du mouvement réalisé.

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S’il est important de conserver les caractéristiques spatio temporelles d’un mouvement lorsque vous le visualisez, pour qu’il soit “réaliste”, il peut ensuite être intéressant – une fois votre image mentale stabilisée – de faire varier certaines composantes afin “d’apprendre” grâce à la visualisation. En effet, certains sportifs vont par exemple accélérer une image sur des mouvements simples puis ralentir le temps pour étudier correctement un mouvement complexe. Des études ont par ailleurs montré que des judokas pouvaient accélérer la vitesse de réalisation des prises grâce à une visualisation préalable dans laquelle ils accéléraient le mouvement.

Ces modifications de chronométrie peuvent néanmoins avoir plusieurs conséquences, regardons-les ensemble.

Augmentation de la durée de l’image mentale

L’image mentale peut être plus lente ou prendre plus de temps que la tâche réelle et cela pour plusieurs raisons.

Prenons l’étude faite par Decety et al (1989). L’expérience consistait à demander à des sujets de se représenter mentalement un parcours à vitesse normale. Puis, ils leur étaient demandés de réaliser physiquement le circuit toujours à vitesse normale.

Les scientifiques ont alors constaté la même durée d’exécution pour la tâche mentale et la réalisation physique du parcours.

L’étude se complique ensuite avec l’ajout d’un sac de 25 kilos que chaque participant transportait. La tâche demandée était exactement la même à savoir la représentation mentale du parcours, et la réalisation du parcours.

 

Comprendre la chronométrie pour construire une image mentale pertinente

 (Résultat de l’expérience sans les sacs, puis avec les sacs) Par Decety et al (1989)

Les résultats furent différents ici. Avec la complexité de la tâche, les sujets surestimèrent mentalement le temps qu’il leur fallait réellement pour effectuer le parcours. 

Cela peut s’expliquer par le fait que les individus pensaient que l’effort demandé pour déplacer la charge allait être plus important. Ceci explique pourquoi la durée du parcours mental est plus grande.

La complexité d’une tâche pousse ainsi l’individu à surestimer la durée réelle.

De plus, pour les mouvements rapides et nécessitant une forte concentration, la durée de l’image mentale s’accroît. Ce sont les conclusions des auteurs (Orliaguet et Coello, 1998) suite à l’expérience qu’ils ont réalisée et dans laquelle ils comparaient la durée de l’image motrice d’un “putting” en golf avec sa durée réelle sur une distance balle-cible. Systématiquement, la durée de l’image motrice était surestimée et elle augmentait en fonction de la distance. Ces scientifiques ont également démontré que cette surestimation était plus importante lorsque les cobayes se représentaient l’image en imagerie kinesthésique.

Réduction de la durée de l’image mentale

A l’inverse, certains athlètes réduisent le temps de l’imagerie motrice pour différentes raisons – volontaires ou non. Les disciplines sportives telles que la gymnastique accordent en compétition peu de temps à l’athlète avant la réalisation de sa prestation. Dans ce cas, l’athlète peut augmenter la vitesse du mouvement afin d’avoir le temps de se remémorer l’ensemble du parcours. La vitesse de l’image peut être accentuée sur certaines figures jugées simples et ralentie pour les figures importantes et techniques. 

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Ces affirmations découlent d’une étude réalisée par les chercheurs Calmels et Fournier (2001) sur des gymnastes. Les auteurs évaluaient la durée de l’image motrice de chaque figure d’une série de mouvements effectués au sol par les athlètes. Ils se sont aperçus que les gymnastes modulaient la durée de l’image motrice par rapport à la durée réelle des mouvements. Ainsi, les figures simples étaient imaginées rapidement et les figures complexes lentement. Globalement, à cause de la contrainte de temps les gymnastes sous-estimaient la durée réelle (image motrice plus rapide).

Les effets du changement de temporalité

A présent que vous connaissez les facteurs qui influent sur la qualité de visualisation, intéressons-nous aux effets positifs et négatifs résultant de ce changement de temporalité.

Augmenter ou diminuer la vitesse de l’imagerie motrice n’est pas sans conséquence et peut avoir des répercussions sur le mouvement réellement effectué. Par exemple, en augmentant la vitesse d’un mouvement, la qualité de ce mouvement peut en pâtir. A l’inverse, ralentir le mouvement imagé peut permettre d’en corriger la technique.

Ralentir une image motrice peut également avoir un effet néfaste sur la rapidité d’exécution d’un mouvement. Pour un sportif confirmé, augmenter la vitesse de l’image mentale permet un gain de rapidité lors des mouvements (cf l’exemple des judokas cité plus haut et sur lequel nous reviendrons ci-dessous). 

Ces effets ont notamment été démontrés par deux études. La première consistait à observer la modification de la vitesse d’exécution avant et après une imagerie motrice ralentie ou accélérée. Les mouvements exécutés étaient de simples mouvements moteurs.

Comprendre la chronométrie pour construire une image mentale pertinente

(Résultat de l’expérience précédente. PR = Pratique physique ralentie, IR = Imagerie ralentie, PA = Pratique physique accélérée, IA = Imagerie accélérée, C = Groupe contrôle.) Par Boschker et al (2001)

Les résultats montrèrent qu’en s’entraînant à accélérer l’image motrice, l’exécution du mouvement accélérait aussi. L’entraînement ralenti produit quant à lui de la même manière un enchaînement plus lent que la normale.

La seconde étude portait sur l’impact de l’imagerie mentale sur la pratique de judokas. Les chercheurs Louis et al (2008) ont testé des ceintures noires de judo dans l’exécution de trois prises maîtrisées parfaitement. L’objectif était de mesurer les effets de l’imagerie motrice d’un mouvement accéléré et ralenti. 

Un groupe imaginait les prises en accéléré, un autre au ralenti et le dernier était le groupe témoin – il réalisait les prises sans travail d’imagerie mentale. Les résultats de l’étude rejoignèrent ceux de l’étude précédente. L’imagerie motrice en accéléré permit aux judokas d’améliorer la vitesse d’exécution de leurs prises. Il est important de préciser que les judokas accéléraient la vitesse de réalisation de leurs actions uniquement, tout en conservant la qualité d’exécution du geste, ainsi que la vitesse d’exécution des autres mouvements, dont ceux de leur adversaire. Moduler la vitesse de réalisation d’un geste ne semble donc pertinent que si l’on maîtrise l’exécution technique de ce geste.

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Comment améliorer la chronologie mentale d’une image motrice ?

Comme nous l’avons vu, avoir une mauvaise chronologie mentale n’est pas sans conséquence. Toutefois, il existe des petites techniques afin d’avoir un meilleur contrôle sur la temporalité de son image motrice. Il est possible de créer des retours auditifs ou des retours visuels (vidéo). Par exemple, vous réalisez votre mouvement avec un métronome ou avec une musique qui vous permet de le rythmer. Vous aurez donc un repère dans l’organisation et la vitesse de votre mouvement. Le retour visuel fonctionne pareillement. L’utilisation de la vidéo permet de décomposer le mouvement afin d’obtenir précisément la temporalité de chaque mouvement et ainsi ajuster avec votre image motrice. 

Une autre solution est l’imagerie dynamique. Cela correspond à effectuer le mouvement pendant l’imagerie motrice. Les gestes seront donc parfaitement coordonnés avec l’image. Les judokas par exemple peuvent s’imaginer effectuer le mouvement jusqu’à la mise au sol de l’adversaire tout en effectuant les gestes en même temps.

Enfin, la dernière solution est de décomposer le mouvement et d’apprécier la temporalité de chaque geste. Cela facilite le mouvement et la correction du mouvement car le travail peut se focaliser sur le maillon faible de l’enchaînement.

Ce qu’il faut retenir de la chronométrie mentale :

  • L’imagerie motrice peut jouer un rôle clé dans la performance sportive.
  • La temporalité de l’image mentale est un facteur clé de son efficacité.
  • La chronologie d’une image mentale peut varier volontairement ou non.
  • Les raisons de cette variation lorsqu’elle est involontaire s’expliquent entre autres par la mauvaise appréciation du mouvement ainsi que par la technicité du geste à imaginer.
  • Une imagerie motrice ralentie entraîne un mouvement plus lent et inversement. 
  • Il est intéressant d’utiliser l’imagerie motrice pour perfectionner ses mouvements en modulant la vitesse d’exécution.
  • Pour contrôler la chronologie mentale, il existe les retours auditifs et visuels, l’imagerie dynamique ainsi que la décomposition du mouvement.

SOURCES :

  • Formation “Neurosciences pour l’accompagnement”, Arche, module “imagerie Motrice” présentée par Aymeric Guillot (Docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives et professeur des université).
  • Boschker et al, 2001, Effect of mental imagery on realizing affordances, https://doi.org/10.1080/02724980143000622
  • Decety et al, 1989, The timing of mentally represented actions, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2765170
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